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19 septembre 2006

Pourquoi Ségolène ?

Pourquoi Ségolène ? par Arnaud Montebourg

19 septembre

Dans cette tribune, publiée dans Libération du 19 septembre, Arnaud Montebourg indique que les socialistes qui attaquent Ségolène Royal se trompent d’ennemi et qu’elle est à même, par ses propositions, de rassembler toutes les gauches.


« La charge des éléphants est lancée. Les attaques aussi désobligeantes qu’invraisemblables pleuvent sur Ségolène Royal, au point que Nicolas Sarkozy en fait désormais un point d’appui de son offensive contre elle. La gauche, dans sa folie suicidaire, offre donc des armes au chef de l’UMP contre la seule candidate socialiste en mesure de le battre. Les mêmes qui nous ont conduit au 21 avril 2002 se rassembleraient-ils pour une nouvelle fois nous infliger le même résultat ?

Quels sont donc les reproches adressés à notre camarade Ségolène Royal ? Son prétendu vide ? Ils feraient bien de relire, d’étudier même ses discours, ses interventions ou déclarations accumulées méthodiquement depuis plusieurs mois.

Les militants du pays minier du Pas de Calais ont entendu Ségolène Royal à Cambrin rappeler dans son discours que « la gauche doit imposer la juste hiérarchie entre le capital et le travail et faire en sorte que le travail soit moins taxé que le capital ». Ils ont applaudi à la phrase : « Nous ferons en sorte que le capitalisme financier soit mis sous contrôle et refuserons de laisser broyer les hommes et les femmes par la dynamique du libéralisme sauvage. »

La foule de Frangy-en-Bresse a également applaudi Ségolène Royal à l’idée « de la création d’un syndicalisme de masse pour rétablir le rapport de force, aujourd’hui totalement déséquilibré entre les dirigeants et les salariés ». Elle ajoutait : « C’est l’intérêt bien compris du pays qu’un syndicalisme de masse oblige à la négociation collective. C’est dans les pays où les taux de syndicalisation sont les plus élevés qu’il y a moins de licenciements collectifs et qu’il est moins nécessaire de recourir à la grève pour être entendus ».

Ce ne sont, à l’évidence, pas les idées de Nicolas Sarkozy, qui préfère recevoir les honneurs de connivence à l’Assemblée générale du MEDEF avec standing ovation et en prime la bise de sa Présidente pour avoir attaqué une fois encore le droit de grève et proposé d’organiser l’affaiblissement définitif du syndicalisme.

Ces positions exprimées une nouvelle fois à Florac en Lozère par Ségolène Royal sont tout au contraire enracinées dans l’héritage du mouvement ouvrier et sa défense des droits sociaux. Elle cherche à renforcer le poids du syndicalisme pour qu’il puisse peser dans la négociation sociale et modifier en profondeur les comportements des acteurs du capitalisme dérégulé, elle cherche l’outil qui permettrait la mise en œuvre de l’objectif de réhabilitation du prix et de la valeur du travail dont elle a fait un élément central de son discours.

La candidate a en vérité ouvert le dossier épineux de la démocratie sociale en s’inspirant d’expériences socialistes concluantes du Nord de l’Europe. En évoquant l’adhésion obligatoire aux syndicats, que Madame Thatcher en son temps avait réussi à briser, nous sommes là plus proche de l’anti-thatchérisme le plus ferme que des œuvres tièdes de son successeur Tony Blair. J’ajouterai, non sans malice, que bien des socialistes qui ont voté non le 29 mai 2005 devraient s’y retrouver !

Est-il également permis d’évoquer le concept soudain apparu si novateur d’ « ordre juste » qu’elle a lancé dans son discours de Rodez le 12 mai dernier et qui lui a valu des volées de bois vert et un procès en « nomadisme idéologique ». Pourtant, il ne s’agit que du rappel de ce que doit être la République : parce qu’elle est égalitaire et parce qu’elle ne peut s’autoriser à être sévère que si elle l’est à l’égard de tous, elle ne peut donc être exigeante que si elle est juste.

Dans cet ordre là, on ne peut -comme le fait la droite- prôner la tolérance zéro que si on se l’applique par exemplarité à soi-même. On ne peut lutter contre les zones de non droit dans la République que si on assume et organise la lutte contre les privilèges judiciaires, et que si la justice n’épargne pas ceux qui détiennent l’argent, la puissance et le pouvoir.

A Rodez, Ségolène Royal évoquait dans ces termes l’ordre juste : « un principe fondateur d’un ordre solidaire autrement ambitieux que l’ordre aux petits pieds du tout sécuritaire sur fond de dérive vers le précariat pour tous ». Elle ajoutait : « alors que l’insécurité économique et sociale gagne du terrain, le comportement de la puissance publique se doit d’être irréprochable. Une mauvaise conduite à la tête de l’Etat constitue un vrai facteur d’insécurité car pourquoi respecter des règles dont les puissants et les gouvernants s’affranchissent ? ».

L’ordre juste est hautement supérieur à l’injustice de l’ordre autoritaire de l’UMP. Et il est hautement préférable au désordre injuste que conduirait une République aux abonnés absents, incapable de donner un sens à la loi républicaine dont nous cherchons à réhabiliter la force et l’utilité depuis si longtemps. Ce sont finalement là des analyses que ne récuserait pas un Jean-Pierre Chevènement.

C’est d’ailleurs ici que prend toute sa force la « révolution démocratique » dont Ségolène Royal revêt de son sens la construction de cette République nouvelle que nous allons bâtir ensemble. Si la loi doit assurer la justice tout en en trouvant la force de s’appliquer et d’ordonner la société, les conditions de sa discussion et de sa fabrication doivent alors être reconsidérées en profondeur. La « révolution démocratique » de Ségolène Royal est l’instauration d’un rapport de responsabilité, entre les dirigeants mandatés pour décider et les citoyens dépositaires de la souveraineté. Elle est aussi l’organisation concrète du « droit égal de ceux qui n’ont pas de titre à gouverner à s’occuper des affaires communes. Notre projet affirme la compétence également légitime des citoyens ordinaires, ce pouvoir des « n’importe qui » toujours dénié par les élites autoproclamées de la naissance, de la richesse ou de la cooptation endogame ». Ce sont là des orientations qu’on pourrait retrouver dans les choix de tous les promoteurs d’une 6ème République, quels qu’ils soient, comme le sont Christiane Taubira ou moi-même.

Faut-il mesurer à quel point l’ancienne Ministre de l’environnement a un langage sur les problèmes environnementaux à la hauteur de l’urgence planétaire. Lorsque celle-ci fait de la fin du pétrole le point central de la restructuration de l’ensemble des autres politiques publiques, elle se place à la hauteur des problèmes que la gauche jusqu’à présent n’a pas été capable de regarder en face : « Il faut préparer dès maintenant l’après pétrole », il vaut mieux « anticiper plutôt que de subir les mutations ». Elle ajoute : « c’est une question de survie, l’environnement doit donc être intégré à toutes les décisions publiques et privées qui sont prises ». Elle prend le soin d’ajouter : « la protection de l’environnement est liée à la démocratie et à l’exigence de transparence. Tous les mensonges officiels que l’on a connus à propos du nuage de Tchernobyl, de l’amiante, des OGM, ont permis de ne pas remettre en cause des habitudes, des puissances financières, des rapports de force et des intérêts corporatifs. Quand il y aura la transparence totale et quand l’information scientifique sera donnée sur l’impact de la dégradation de l’environnement, sur la santé publique, alors les gens se bougeront, et les politiques prendront les bonnes décisions ». Ce sont là des propos auxquels Dominique Voynet n’aurait pas enlevé une virgule.

Voici comment Ségolène Royal construit pierre après pierre une synthèse originale des différentes gauches. Elle en fabrique un nouvel alliage, original, novateur et offensif, en rapport avec les besoins profonds de la société française.

Les socialistes que nous étions, avions sous-traité, dans l’attelage cahotant de la gauche plurielle, aux autres partis de gauche, des morceaux de l’appareillage idéologique des socialistes. Peut-être par incapacité de regarder le monde tel qu’il était devenu, également par réflexe conservateur et orgueilleux de ne jamais bouger de positions acquises pour toujours. Le programme, le projet et le candidat socialiste de 2002 ne parlaient plus à personne, sauf au vide politique que le parti avait installé en lui-même. Voilà pourquoi la rénovation de la gauche, par la gauche, passe par la nouvelle donne de Ségolène Royal. Cette nouvelle donne dépasse les anciennes contradictions constituées dans la gauche plurielle, elle dépasse les anciennes querelles qui appartiennent à la génération antérieure ainsi que surtout les récents désaccords sur le Traité constitutionnel européen.

A Frangy, elle déclara : « Quels qu’aient été nos votes lors du référendum, nos raisons, étaient voisines. Nous voulions les uns et les autres une Europe plus protectrice, plus citoyenne, plus sociale et plus politique. De l’Europe que nous voulons, à l’Europe telle qu’elle est, nous mesurons la distance et le travail qu’il reste à faire, mais c’est le rôle de l’idéal que d’aider à transformer le réel. Il n’est évidemment pas question, pour les socialistes, de soumettre à nouveau à la ratification un Traité constitutionnel que le peuple français a rejeté. Notre projet prévoit de proposer l’élaboration d’un texte court, visant seulement à mieux organiser, démocratiser et responsabiliser les instances européennes. Il devra bien sûr, une fois négocié, être soumis à l’approbation du peuple. »

Ségolène Royal ne solde pas seulement un contentieux ; elle esquisse les voies de la reprise en main de l’avenir par les citoyens d’une Europe qui devienne la leur.

Elle renvoie aux significations profondes de la victoire du non en 2005. Ce vote exigeait que la démocratie exerce à nouveau sa juste et naturelle maîtrise sur le destin de notre société et demandait à retrouver la force perdue du bulletin de vote face à la toute puissance et à l’emprise des marchés et de l’économie.

Dans les différents éléments d’identité de sa candidature -syndicalisme de masse, ordre juste, révolution démocratique, excellence environnementale-, Ségolène Royal ouvre le chantier de la reconstruction du politique et cherche à organiser les retrouvailles avec la force d’agir sur la réalité.

Il est temps de se rassembler autour de cette nouvelle donne, à partir de nos propres convictions, sans en abandonner aucune, pour contribuer à la victoire d’une gauche enfin rénovée qui sera celle de toutes les gauches. Le temps nous presse et l’audace qui nous a manqué jusqu’ici est au rendez-vous. Rejoignez-nous. »

Arnaud Montebourg

Député de Saône-et-Loire, porte-parole de Ségolène Royal

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